Tout le monde pourrait penser que l’impôt des sociétés ne s’applique qu’aux sociétés. Cependant, la loi fiscale donne à la notion de « société » une définition large, à savoir «  »toute société, association, établissement ou organisme quelconque régulièrement constitué qui possède la personnalité juridique et se livre à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif » ».

Il découle de cette définition que les ASBL sont aussi soumises à l’impôt des sociétés lorsqu’elles se livrent à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif.

La loi précise toutefois que ne sont pas considérées comme des opérations à caractère lucratif dans le chef des ASBL et autres personnes morales qui ne poursuivent aucun but de lucre :

  1. les opérations isolées ou exceptionnelles;
  2. les opérations qui consistent dans le placement des fonds récoltés dans l’exercice de leur mission statutaire;
  3. les opérations qui constituent une activité ne comportant qu’accessoirement des opérations industrielles, commerciales ou agricoles ou ne mettant pas en œuvre des méthodes industrielles ou commerciales (art. 182 CIR 1992).

Pour le surplus, la question de savoir si une ASBL doit être soumise ou non à l’impôt des sociétés est une question de fait soumise à l’appréciation des cours et tribunaux.

D’une manière générale, la jurisprudence considère que la notion de « méthodes industrielles et commerciales » signifie qu’il est procédé d’une manière qui est généralement suivie par des entreprises industrielles ou commerciales, dans un secteur déterminé. Il s’agit, par exemple, de la façon de faire de la publicité, des méthodes de vente et de distribution utilisées, de la nature des revenus recueillis, de la nature de la clientèle, du personnel engagé et du mode de financement des opérations.

Deux décisions récentes illustrent la question.

Cour d’appel d’Anvers, 21 décembre 2010 :

Dans cette affaire, il s’agissait d’une ASBL dont l’objet principal est l’organisation et l’exploitation de tous événements culturels, récréatifs et non récréatifs, sans aucune limitation, et en ordre accessoire la mise à disposition de boissons et de snacks, la prise en location, la location ou la mise à disposition de salles et la vente d’articles relatifs à cette activité.

Concrètement, l’ASBL organise des activités de danse et des cours de danse.

La Cour a également constaté qu’une SPRL, dont la direction était identique à celle de l’ASBL, exerçait les mêmes activités.

Pour expliquer sa décision, la Cour se base également sur les constatations suivantes :

  • L’ASBL et la SPRL ont un seul numéro de téléphone.
  • Le site Internet de l’ASBL dirige immédiatement l’utilisateur vers celui de la SPRL. La Cour constate que, ce faisant, la SPRL profite d’une publicité supplémentaire, via l’ASBL.
  • L’ASBL et la SPRL ont une brochure commune qui ne fait pas de distinction explicite entre les deux entités.
  • La confusion augmente encore du fait que les personnes qui agissent dans l’ASBL sont les mêmes que celles qui sont responsables de la SPRL.
  • Il ne ressort d’aucun élément que l’ASBL poursuivrait un objet propre. Il n’est pas fait de distinction entre les danses classiques et les danses culturelles; elles ne s’adressent manifestement pas à un public différent; rien ne permet d’affirmer que les cours de danse de l’ASBL auraient pour but de transmettre la spécificité culturelle de la danse.
  • L’ASBL est organisée de manière professionnelle.
  • Il ne se déduit pas non plus des prix pratiqués qu’une distinction serait faite entre les activités de l’ASBL et celles de la SPRL.
  • Les quelques libéralités faites par l’ASBL ne permettent pas non plus de conclure qu’elle agirait dans un but désintéressé. De ‘vraies’ sociétés peuvent également pratiquer le mécénat.
  • Enfin, la Cour constate que l’ASBL se sert des canaux publicitaires de la SPRL.

La Cour juge donc suffisamment établi que l’ASBL se livre à une exploitation et à des opérations à caractère lucratif, sans qu’il s’agisse d’une activité qui ne se rapporterait qu’accessoirement à des opérations industrielles, commerciales ou agricoles ou qui ne mettrait pas en œuvre des méthodes industrielles ou commerciales au sens de l’article 182, 3° CIR 1992.

L’ASBL doit donc payer l’impôt des sociétés.

Tribunal de 1ère instance d’Anvers, 1er octobre 2010 :

Dans cette affaire, il s’agissait d’une ASBL qui organise annuellement un grand festival de musique et quelques activités similaires mais plus modestes. Selon ses statuts, l’objet de l’ASBL consiste à organiser des spectacles où se produisent des artistes belges et étrangers afin de mieux les faire connaître auprès du grand public.

Le tribunal commence par rappeler les textes légaux, plus particulièrement l’article 182 CIR 1992.

Il estime en premier lieu que l’activité de l’ASBL, qui consiste à organiser annuellement un festival où se produisent notamment des artistes de renommée internationale est à considérer comme une activité lucrative, puisque :

  • cette organisation donne lieu à une activité durant toute l’année;
  • il est fait appel à des organisations commerciales pour la plupart des éléments du festival; et
  • l’ASBL réalise des bénéfices substantiels par l’exploitation commerciale du festival et les prix d’entrée élevés.

Le tribunal examine ensuite si l’ASBL peut invoquer les dispositions de l’article 182 CIR 1992 pour se soustraire à l’application de l’impôt des sociétés.

  • La manifestation annuelle requiert une organisation complexe, est préparée durant le reste de l’année et donne donc lieu à une activité tout au long de l’année. Il ne s’agit donc pas d’opérations isolées ou exceptionnelles (art. 182, 1° CIR 1992).
  • L’activité de l’ASBL ne consiste nullement dans le placement des fonds récoltés dans l’exercice de sa mission statutaire (art. 182, 2° CIR 1992).
  • L’exploitation commerciale du festival, à l’occasion duquel la promotion des artistes de renommée internationale est surtout faite pour attirer le grand public, justifier des prix d’entrée élevés et réaliser des bénéfices considérables, constitue sans aucun doute l’activité principale de l’ASBL. Il ne ressort d’aucun élément objectif que la promotion d’artistes inconnus du grand public constituerait l’activité principale de l’ASBL, d’autant que, sur son propre site Internet, la promotion de ces artistes inconnus se limite – contrairement aux artistes de renommée internationale – à une énumération sans autre commentaire. Bref, l’exploitation commerciale du festival n’était ni accessoirement ni directement subordonnée aux objectifs désintéressés, à savoir accroître la notoriété d’artistes inconnus du grand public (art. 183, 3° CIR 1992).
  • Enfin, le tribunal juge que l’organisation du festival a indubitablement été menée selon des méthodes industrielles ou commerciales, compte tenu de l’exploitation commerciale et des prix d’entrée élevés (art. 182, 3° CIR 1992).

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